La visite d’un cimetière, mis à part au moment de l’inhumation et les quelques semaines qui suivent, n’est jamais triste. C’est une parenthèse hors du temps qui permet de retrouver ceux qu’on a aimé et qui ont disparu. Cette parenthèse peut devenir une joie. Bien-sûr, on aimerait qu’ils soient toujours parmi nous, mais la mort fait partie de la vie et est inéluctable. Le cimetière devient le seul moyen de les retrouver un peu et de les sentir toujours vivants en nous.
« Les morts vivent tant qu’un seul vivant les porte encore en lui » a écrit Jean d’Ormesson.
La visite d’un cimetière est bien une façon de prolonger la vie des êtres qui nous ont été chers et c’est une joie.
Pour le généalogiste, c’est bien plus encore !
C’est une trace du passé, un contact physique avec tous ces êtres qu’il ne rencontre habituellement sur du papier jauni, aux archives. Mais c’est aussi des réponses pour alimenter ses recherches et, bien entendu, de nouvelles questions.
J’ai eu la chance de visiter en décembre dernier un des cimetières parmi les plus étonnants qui soient. Les tombes sont si serrées et si anciennes qu’on imagine mal le déroulement des inhumations successives.
Plus de 12000 pierres tombales sur 11000m2 de terrain, imaginez …
Les morts ont été enterrés les uns au-dessus des autres, au fil du temps, jusqu’à créer douze couches successives. La tombe la plus ancienne date de 1439, c’est celle du rabbin et poète Avigdor Kara.
Ce cimetière est l’ancien cimetière juif de Prague où la dernière inhumation a eu lieu en 1787. Quand on s’y promène, plus de trois siècles sont sous nos pieds, l’histoire du peuple juif de Prague.
Il s’agit d’un des plus grands cimetières d’Europe et d’un des sites les plus visités de Prague.
Pendant les plus de trois siècles d’utilisation active de ce cimetière, la question de la place fut un problème permanent. La piété et le respect dus aux ancêtres décédés n’autorisent pas les Juifs à supprimer une tombe existante. Occasionnellement seulement, la communauté juive fut autorisée à acheter des terrains afin d’étendre le cimetière et fut souvent contrainte d’ajouter des couches de terre par-dessus le sol existant, si bien que par endroits on compte jusqu’à douze couches successives. Cela a permis de préserver les tombes les plus anciennes. Cependant, lors d’ajouts de nouvelles couches on dut soit recouvrir les anciennes pierres tombales, soit les relever à la nouvelle surface, ce qui explique la grande densité de pierres tombales que l’on peut voir aujourd’hui. Beaucoup d’entre elles marquent la présence d’un défunt enterré plusieurs couches en profondeur. Cela explique la différence de niveau entre le sol du cimetière et les rues environnantes bien plus basses, il fut d’ailleurs nécessaire d’édifier des murs de soutènement pour retenir le sol et les tombes.
Au-delà de ce magnifique cimetière, incomparable témoignage du passé, nous avons aussi, en France de nombreux cimetières. Les tombes disparaissent, malheureusement, petit à petit, à mesure que les familles s’éteignent ou changent de lieu de vie. Chaque année, environ 200 000 tombes disparaissent des cimetières français.
Heureusement la plateforme européenne de généalogie, Geneanet (voir lien) a lancé l’opération « Sauvons nos tombes ». Les volontaires, déjà 28 000 aujourd’hui, peuvent photographier les tombes, déchiffrer les inscriptions, sans toucher aux tombes bien entendu, et alimenter la plateforme collaborative de Geneanet. Je vous joins le lien vers un article du Républicain Lorrain sur le sujet, qui met en avant le travail d’une jeune messine.
Alors, si le cœur vous en dit, sauvons nos tombes !
Liens utiles :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vieux_cimeti%C3%A8re_juif_de_Prague
https://www.geneanet.org/sauvons-nos-tombes
https://www.geneanet.org/sauvons-nos-tombeshttps://www.republicain-lorrain.fr/culture-loisirs/2023/10/31/genealogie-pauline-sauve-les-tombes-de-l-oubli